[Oa-italia] Fwd: [CS OpenEdition] Plagiat universitaire : le pacte de non-lecture

Elena Giglia elena.giglia a unito.it
Gio 6 Giu 2019 09:38:18 CEST


Buongiorno
giro questo testo, 2012, molto interessante su un "patto di non-lettura"
nella produzioen scientifica attuale:
Les plagiats universitaires sont révélateurs d'un phénomène très actuel :
de plus en plus de textes sont écrits pour n'être jamais lus.
Buona lettura
eg

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Da: Marin Dacos <marin.dacos a openedition.org>
Plagiat universitaire : le pacte de non-lecture

Les plagiats universitaires sont révélateurs d'un phénomène très actuel :
de plus en plus de textes sont écrits pour n'être jamais lus.

Par Peter Sloterdijk Publié le 28 janvier 2012 à 14h47 - Mis à jour le 02
avril 2012 à 14h19


[image: Philosophe de renommée internationale, né en 1947, Peter Sloterdijk
est recteur de l'université de Karlsruhe, en Allemagne.] Philosophe de
renommée internationale, né en 1947, Peter Sloterdijk est recteur de
l'université de Karlsruhe, en Allemagne. AFP/BERTHOLD STADLER

Ce n'est pas trahir un secret que de constater que l'université moderne
est, d'une manière générale et depuis longtemps, confrontée à un problème
de sérieux - pour employer un terme prudent. Le scandale de Bayreuth
*(l'ex-ministre
de la défense Karl-Theodor zu Guttenberg accusé de plagiat dans sa thèse de
doctorat, en février 2011)* a fait tout au plus émerger un segment
minuscule d'une confusion dont nul, ou presque, ne peut évaluer de manière
réaliste la dimension historique et systémique.

On serait tenté de remonter jusqu'à la catastrophe originelle du XXe siècle
et de mener des recherches sur le rôle des sciences nationalisées pendant
la Grande Guerre. Ce que l'on découvrirait ainsi ? D'innombrables éléments
témoignant de l'innocence perdue des facultés, dans les sciences de la
nature tout autant que dans les sciences humaines. On pourrait à la rigueur
concevoir les interventions philosophiques du Cercle de Vienne comme une
tentative d'introduire une situation d'heure zéro qui concernerait aussi
l'épistémologie, afin de soumettre tout discours scientifique futur à un
programme hygiénique. De telles interventions ne portèrent guère de fruits
sur le sol européen...

Il faudrait être très naïf pour supposer que les étudiants et les
enseignants d'aujourd'hui ont cessé, en franchissant le seuil d'une
université, d'être les enfants de leur époque. L'espace universitaire ne
peut simplement s'immuniser contre cela. C'est l'une des subtilités du
langage de l'enseignement supérieur allemand : il caractérise sans détour
le récolement des prestations certifiées au fil de ses études comme une
acquisition fictive - ce en quoi il faut reconnaître une indication
précieuse sur le plan terminologique dans la mesure où l'on ne peut pas
démontrer qu'il existe une différence essentielle entre une compétence
authentique et une vaste simulation de la même compétence.

On pourrait l'illustrer par quelques exemples bien connus de faux médecins
qui, pendant des années, ont effectué de manière quotidienne et avec succès
les opérations les plus difficiles, jusqu'à ce qu'il s'avère, un jour,
qu'ils n'étaient pas qualifiés pour le faire.

Pour appréhender la différence spécifique entre le plagiat universitaire et
tous les autres cas de mépris de la "propriété intellectuelle", il faut
tenir compte de la spécificité inimitable des procédures académiques. Vu de
l'extérieur, le monde universitaire fait l'effet d'un biotope spécialisé
dans la production de "textes" le plus souvent bizarres et totalement
éloignés du populaire. Ils vont des rapports de séminaire et devoirs
semestriels aux thèses et mémoires d'habilitation, en passant par les
mémoires de diplôme ou de maîtrise et aux devoirs de partiels, sans parler
des expertises, des projets de recherches, des mémorandums, des projets de
structure et de développement, etc. : autant de végétaux textuels qui
s'épanouissent exclusivement dans le microclimat de l'*Academia* -
comparables à ces plantes rampantes des hautes Alpes qui survivent à des
altitudes où les arbres ne poussent plus - et qui, en règle générale, ne
supportent pas une transplantation dans les plaines plates et dégagées de
la vie éditoriale.

Le plagiat universitaire se déroule par conséquent le plus souvent dans des
conditions où les motifs qui interviennent d'habitude dans le non-respect
de la propriété intellectuelle, le fait souvent évoqué de se parer avec les
plumes des autres, ne peuvent guère jouer de rôle. Alors qu'en terrain
dégagé les plumes d'autrui sont censées améliorer l'attractivité de celui
qui les porte et augmenter sa "fitness érotique", pour employer le jargon
des biologistes, les plumes des autres, en milieu universitaire, servent
plutôt à se camoufler et à plonger dans l'ordinaire. Elles aident le
porteur des plumes à passer inaperçu dans le flux régulier des masses de
textes.

Le philosophe Michel Foucault a résumé cette situation dès le début des
années 1970 en introduisant le mot "discours" dans l'autodescription des
productions textuelles universitaires. Ce qu'il nomme le "discours" n'est
que le texte sans auteur, le discours spécialisé comme institution. Cette
interprétation des routines discursives universitaires, et, plus
généralement, institutionnelles, nous ouvre la voie non tibétaine vers le
principe du moulin à prières. Celui qui ne veut pas parler de discours
ferait donc mieux de ne rien dire à propos des plagiats.

La dissolution du plagiat dans le discours ne suffit pas à comprendre de
manière exhaustive la singularité du plagiat universitaire. Dans ce cas
précis intervient en supplément un facteur tout à fait idiosyncratique pour
la compréhension duquel le mieux serait d'avoir recours à la recherche
littéraire. Avec son livre *L'Acte de lecture : théorie de l'effet
esthétique* (éd. Mardaga, 1985) en 1972, Wolfgang Iser, l'éminent
représentant d'une école de Constance devenue historique, s'il n'a pas
révolutionné sa discipline et les humanités en général, les a du moins fait
avancer d'un grand en démontrant que l'on peut faire apparaître dans chaque
texte une complicité intime entre l'auteur et le lecteur hypothétique - une
liaison activée par la lecture.

Lire signifie par conséquent éveiller à la vie des structures d'appel
inhérentes au texte et s'adonner au jeu de l'interpellation, de
l'interprétation anticipée, de la tromperie, du refus et de la
récupération. Tout texte élaboré constitue une entité composée de signes
guidant la réception, que le lecteur met en scène de manière à la fois
volontaire et involontaire, pour autant qu'il lit réellement.

Dans la perspective de la situation universitaire, les analyses subtiles
des esthéticiens de la réception font l'effet de réminiscences d'un très
lointain Age d'or de la lecture où chaque texte était presque encore un
"billet doux". Aucun universitaire ne le niera : il est temps de compléter
la théorie du lecteur implicite par celle du non-lecteur implicite. On
devrait avoir à peu près rendu compte de la situation en partant de l'idée
qu'entre 98 % et 99 % de toutes les productions de textes issues de
l'université sont rédigées dans l'attente, si justifiée ou injustifiée
soit-elle, d'une non-lecture partielle ou totale de ces textes. Il serait
illusoire de croire que cela pourrait rester sans effet sur l'éthique de
l'auteur.

Pour les membres d'une culture qui, en toute chose, leur apprend à suivre
et à ne pas suivre la règle, il en découle une conséquence obligatoire, la
nécessité de donner au non-lecteur ce qui lui revient. On s'adresse
paradoxalement au non-lecteur implicite en lui adressant des gestes de
rejet, et ce non-lecteur est inhérent au texte, en tant que celui qui, de
toute façon, n'ira pas y voir.

Lorsqu'on écrit sans espoir de réception, on a en outre et malgré soi
tendance à intégrer dans sa propre production des passages qui n'en font
pas partie et sont prédestinés à alimenter la variante académique de la
non-lecture dans la mesure où ils ont été vérifiés à l'avance par des
lectures qui ont peut-être déjà eu lieu ailleurs. Le royaume des ombres de
l'université génère ainsi un monde textuel de deuxième ordre dans lequel
des cadets réellement non lus maintiennent dans le circuit des aînés
virtuellement non lus.

Dans ce système, la lecture réelle inattendue mène à la catastrophe.
L'intéressant, ici, est le fait que ce que l'on appelle la lecture réelle
ne peut avoir lieu, compte tenu des monstrueuses avalanches que constituent
les productions universitaires écrites. Aujourd'hui, seules les machines à
lire digitales et les programmes de recherche spécialisés sont en mesure de
tenir le rôle de délégués du lecteur authentique et d'entrer en
conversation ou en non-conversation avec un texte. Le lecteur humain -
appelons-le le professeur - est en revanche défaillant. C'est aussi et
précisément en tant qu'homme de l'université que le spécialiste est depuis
longtemps condamné à être plus un non-lecteur qu'un lecteur.

La conséquence pratique de tout cela ne peut être que la réduction des
incitations systémiques à produire du texte sur le mode de l'imposture. La
meilleure manière d'y parvenir est de rappeler avec insistance aux auteurs
pratiquement non lus des textes aujourd'hui et demain immanents à
l'université l'existence des gardiens digitaux des bonnes moeurs qui,
pratiquant la lecture automatique, décèlent la différence entre plagiats et
citations.

On commettrait une faute en légalisant les citations non spécifiées, comme
le réclament certains tenants du romantisme de la piraterie universitaire.
La culture de la citation est la dernière ligne sur laquelle l'université
défend son identité. Même si elle peut être mise au défi par une nouvelle
vague de subjectivités d'imposteur, qui se drapent dans le digital,
l'ironie et l'esprit de piraterie ; aux nouveaux joueurs qui font leurs
plaisanteries en jouant sur la règle du minimum de travail sérieux, il faut
faire comprendre où se situe la limite. La culture avance sur ces petites
pattes que sont les guillemets. Le guillemet, c'est la politesse du pirate.

Nous devons menacer jusqu'au bout les textes écrits pour le non-lecteur
implicite d'être exposés à la lecture réelle, quitte à courir le risque que
les auteurs-pirates d'aujourd'hui nous tiennent pour les imposteurs d'hier
qui brandissent la menace de quelque chose dont ils ne peuvent assurer la
mise en oeuvre.

On devrait apposer à l'entrée de toutes les facultés l'écriteau *Cave
lectorem ! - *pour les non-latinistes : "Attention, lecteur méchant !".
Avec cette mise en garde pourrait peut-être commencer ce que les bien
intentionnés appellent le travail à une nouvelle éthique du comportement
scientifique.

*Traduit de l'allemand par Olivier Mannoni*
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Philosophe né en 1947, il est recteur de l'université de Karlsruhe. Depuis
sa "Critique de la raison cynique" (1987), il n'a cessé de mêler des
réflexions métaphysiques et politiques. Son dernier ouvrage traduit en
français est "Repenser l'impôt. Pour une éthique du don démocratique"
(Libella/Maren Sell, à paraître le 9 février 2012). Le texte ci-dessous est
extrait d'un discours prononcé en novembre à l'université de Bayreuth, lors
d'une conférence consacrée à l'éthique scientifique et à la propriété
intellectuelle

Peter Sloterdijk




-- 
dr. Elena Giglia
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